La rédaction de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie constitue, en dépit de son apparente simplicité, un exercice souvent délicat pour le souscripteur. Cette difficulté reste fréquemment méconnue et peut donc occasionner de cruelles désillusions aux personnes que le souscripteur entendait gratifier.
Par exemple, de nombreux souscripteurs choisissent de désigner comme bénéficiaires une "catégorie" de personnes, comme par exemple leurs enfants. La validité juridique de cette désignation, qui renvoie à des bénéficiaires dont le nom n'est pas précisé, mais qui peuvent néanmoins être identifiés, ne doit pas occulter sa mauvaise adéquation aux souhaits de la majorité des disposants.
En effet, c'est à l'époque de l'exigibilité du capital qu'il faut se placer pour identifier les bénéficiaires ainsi désignés. Le capital se répartira donc entre les enfants vivants (ou conçus) au jour du décès de l'assuré. Au cas où l'un des enfants du souscripteur serait décédé avant ce dernier, les petits-enfants n'auront aucune vocation à recueillir la part de capital que leur auteur aurait dû percevoir s'il avait été en vie. Faute d'avoir été expressément prévu, le mécanisme de la représentation ne se présume pas.
Rappelons que le mécanisme de la représentation prévu en matière de succession par le droit civil permet, lorsque l'un des enfants du défunt est lui-même décédé mais laisse des enfants, que ces derniers se partagent la part qu'aurait reçue leur père ou mère. Leur droit successoral s'exerce alors en représentation du droit de leur ascendant. La représentation est permise en ligne directe (c'est-à-dire au profit des descendants), mais aussi en ligne collatérale privilégiée (au profit donc des descendants des frères et sœurs du défunt).
On remarque également que certains souscripteurs désignent "leurs descendants par parts égales". Cette rédaction a certes le mérite de ne pas écarter les petits-enfants du bénéfice de l'assurance-vie, mais elle peut aboutir à avantager la branche de l'éventuel enfant prédécédé si lui-même avait plusieurs enfants (voir l'exemple).
C'est pourquoi dans ces cas, il est préférable d'opter pour le mécanisme habituel de la représentation, la clause étant rédigée de la manière suivante "mes enfants vivants ou représentés". Précisons enfin que la clause "mes héritiers" permettrait également de préserver les droits des petits-enfants puisque l'article L.132-8 du Code des assurances énonce que les héritiers ont droit au bénéfice en proportion de leurs parts héréditaires, ce qui permet détendre à cette clause bénéficiaire les effets habituels des règles successorales de la représentation.
Exemples :
Marie Dupont décède en laissant deux enfants, Pierre et Jacqueline, et deux petites-filles, Clémentine et Élodie, venant en représentation de leur père Philippe, décédé. Son patrimoine hors assurance-vie s'élève à 300.000 € et elle était souscripteur-assuré d'un contrat d'assurance-vie dont le capital représente 120.000 €.
Son patrimoine hors assurance-vie ira pour un tiers (soit 100.000 €) à Pierre, pour un tiers à Jacqueline, et pour un sixième (50.000 €) à chacune des petites-filles, Clémentine et Élodie.
L'affectation des fonds issus du contrat d'assurance dépendra de la clause bénéficiaire retenue.
Si elle a choisi comme clause bénéficiaire "mes enfants" :
Pierre et Jacqueline recevront 60.000 € chacun.
Clémentine et Élodie ne recevront aucun capital d'assurance.
Si elle a choisi comme clause bénéficiaire "mes descendants" :
Pierre, Jacqueline, Clémentine et Élodie recevront chacun 30.000 €.
Si elle a choisi comme clause bénéficiaire "mes enfants, vivants ou représentés" :
Pierre et Jacqueline recevront 40.000 € chacun, alors que Clémentine et Élodie auront droit à 20.000 € chacune.
La répartition du capital serait la même si elle avait désigné comme bénéficiaires "mes héritiers".
Ici encore, l'apparente simplicité de la rédaction d'une clause bénéficiaire poursuivant un but des plus usuels - la gratification des descendants du souscripteur - ne doit pas occulter l'intérêt de recourir à une rédaction "sur mesure" avec, si possible, l'assistance d'un juriste spécialiste du droit de la famille.